Lueur sur la mode féminine de 1830 à travers le regard d’une inconnue Elégante

La restauration de ce portrait de femme, une Elégante du 19ème siècle, m’a permis de plonger au coeur de la mode féminine de 1830 en france mais aussi en Angleterre, de ses robes aux manches bouffantes et ses coiffures aux surnoms intrigants. A travers l’analyse de ce portrait romantique, je voulais vous faire parcourir ici un peu des délices vestimentaires d’une année surprenante.

Le regard de la jeune femme perdu dans le lointain, des perles d’humeur au coin de l’œil, exprime une innocence emplie de rêve, de promesse et d’espérance. L’Elégante aux joues roses, semblant sourire à elle-même, reflète une douceur romantique empreinte du mystère de l’objet de son attention et de ses pensées, ainsi que de celui du secret de son identité.

Le portrait romantique au 19è siècle

Le 19ème siècle est une période aux multiples changements sur la scène politique, économique et sociale et l’art s’en fait le messager. Le portrait notamment se démocratise. La révolution industrielle hisse la classe bourgeoise sur les hautes strates du pouvoir et les bourgeois aiment à être portraiturés à l’instar des personnalités aristocratiques des siècles passés : statuaires, miniatures et peinture à l’huile sont à l’honneur pour immortaliser le nouveau peuple triomphant.

Le romantisme, qui inonde d’abord la littérature en Allemagne et en Angleterre depuis la fin du 18ème siècle, trouve sa place sur les chevalets et s’ancre véritablement dans les mentalités en France à partir des années 1820 et plus fortement dès 1830. Les sentiments et les passions imprègnent la peinture et les portraits reflètent la personnalité de l’individu. Sur une portée plus individuelle et intime le style s’épure, la représentation est cadrée sur le visage qui reflète les états d’âme du sujet et concentre toute l’attention du peintre au détriment de l’apparat et des éléments de décor.

Loin des carcans du classicisme et du rationnel de la beauté idéale, le portrait romantique en appelle à l’analyse psychologique de son sujet et dépeint la vie intérieure du personnage avec ses sentiments exaltés, ses rêves et ses mystères. Les artistes se libèrent et expriment leurs propres passions et individualité à travers leurs œuvres. La vulgarisation de cet art du portrait en fait un prestige non plus réservé à la seule noblesse mais également accessible à la nouvelle classe bourgeoise montante où chacun prône son individualité et peut aspirer entrer dans la postérité.

La mode femme en 1830

Le Costume : les manches à gigots

Cette femme du monde ou « Élégante » est vêtue d’une robe à corsage cintré et baleiné aux tonalités brun-rouges, dite « couleur puce », et à la mode romantique des années 1830. Des manches longues à gros gigots, ou « en oreilles d’éléphant », bouffants jusqu’aux coudes démarrent aux épaules par des plis cartouches à l’emmanchure et sont probablement étroitement resserrées au niveau des poignets non-visibles ici. 

la mode en 1830
Portrait d'une Elégante, détail, Collection du Musée de Tonnerre

L’ampleur donnée aux épaules accentue la taille fine dessinée par le corset et soulignée par une large bande de tissu ornée d’une boucle en métal, d’où une jupe également bouffante et non représentée ici devrait descendre en forme de cône jusqu’au cous-de-pied. La robe est surmontée à l’encolure d’une « fraise » de dentelle blanche et d’un nœud papillon blanc aux reflets rosés.

Une histoire de coiffure : la Girafomania

la mode en 1830 girafomania zaraffa
Portrait d'une Elégante, détail, Collection du Musée de Tonnerre

Le costume romantique féminin de 1830 sous Louis-Philippe 1er se veut plus pudique, les corps sont moins dévoilés et les ornements plus lourds, les coiffures souvent parées de plumes, fleurs ou chapeau imposant. 

Ici la coiffure, soulignée par une fine tresse au-dessus du front, est relevée très haut par un peigne à l’espagnol sans doute en écaille de tortue et affublée de part et d’autre de la tête par un postiche de frisettes appelé « macaron ». Cette mode démarrée dans les années 1820 avec le chignon dit « en nœuds d’Apollon » prend diverses formes et appellations durant environ deux décennies. 

Ainsi, suite à l’arrivée en France en 1827 de la girafe Zarafa offerte à Charles X par le pacha et vice-roi d’Egypte Méhémet-Ali, une « girafomania » s’empare de la mode et divers accessoires de coiffure, de cuisine et autres éléments de décorations prennent l’effigie de la célèbre girafe. Pendant environ trois années, les femmes s’affublent alors d’une coiffure sophistiquée en hauteur dite « à la girafe », composée d’un gros postiche retenu au sommet du crâne par un peigne dit également « à la girafe », autre nom du « peigne à l’espagnol ». Selon les sources, ce type de coiffure en chignon très haut peut également être qualifié de « à la chinoise ».

Le bijou, accessoire indispensable

La jeune femme est parée sur son oreille gauche d’une boucle d’oreille pendante d’environ quatre centimètres de haut, à monture en col de cygne, et constituée de deux boules noires de tailles différentes, peut-être en onyx, pierre assez courante en bijouterie à cette époque.

la mode en 1830

QUELQUES EXEMPLES...

Marie amélie reine des français

De la royauté...

Médaille en bronze de la Commémoration de la visite de Louis-Philippe, Marie-Amélie et leurs enfants à la Monnaie de Paris en 1830, avec dans l’écusson « Marie- Amélie Reine des Français ». (http://www.monnaiesdantan.com)

Marie amelie reine des français
la mode femme 1830
la mode femme 1830

...à la Bourgeoisie

«Assiette du XIXe siècle représentant une Elégante vers 1829 dans un magasin d'estampes» (www.lamesure.fr)

la mode femme 1830

La coiffure de la reine et celle de cette Elégante inconnue ci-dessus sont très semblables à celle de la jeune femme de notre portrait : une partie des cheveux est ramenée sur le devant du visage et divisée en deux macarons de frisettes de chaque côté du front, et le reste des cheveux est relevé haut à la verticale sur le sommet du crâne et retenu par un peigne « à l’espagnol » ou « à la girafe ».

Girafomania coiffure mode 1830

Des magazines de Mode...

Vue de face et de dos, cheveux coiffés de deux nœuds dit « en papillon » relevés très haut par un grand peigne en écaille de tortue avec cheveux bouclés retombant de chaque côté du front, le tout similaire à notre portrait.

The World of Fashion, and Continental Feuilletons, Volume 3, 1830, pages 176-177, estampe, détail (https://books.google.fr) : « La dernière mode londonienne et parisienne d’août 1830 ».

Des magazines de Mode...

Vue de face et de dos, cheveux coiffés de deux nœuds dit « en papillon » relevés très haut par un grand peigne en écaille de tortue avec cheveux bouclés retombant de chaque côté du front, le tout similaire à notre portrait.

Girafomania coiffure mode 1830
The World of Fashion, and Continental Feuilletons, Volume 3, 1830, pages 176-177, estampe, détail (https://books.google.fr) : « La dernière mode londonienne et parisienne d’août 1830 ».
la mode femme 1830
« Mode. [XIXe siècle]. 1830 », Collection iconographique Maciet, Bibliothèque des Arts Décoratifs (http://artsdecoratifs.e-sezhame.fr) : exemples de costumes romantiques avec manches à gigot, canezou, fraise, chapeau à plume, coiffure à la girafe…

...aux grandes écrivaines.

Georges Sand portrait
Portrait de George Sand en 1830, graphite et aquarelle par Candide Blaize (Nancy, 1795 – Paris, 1855), Paris, Musée de la Vie Romantique. Photo (C) RMN-Grand Palais / Agence Bulloz

Sources iconographiques

▪ Gérard Jo, Bruxelles, La Mode : 1830-1920, 1978
▪ Olivier Lebleu, Les avatars de Zarafa : première girafe de France : chronique d’une girofomania, Paris, 2006
▪ Frank Van Wilder, Signatures & monogrammes d’artistes des XIXe et XXe siècles, Paris, 1998
▪ Encyclopædia Universalis en ligne
http://www.lamesure.org/article-estampes-a-la-mode-92861027.html
http://lecostumeatraverslessiecles.chez-alice.fr
http://parismuseescollections.paris.fr
▪ The World of Fashion, and Continental Feuilletons, Volume 3, 1830, livre numérisé (https://books.google.fr)
▪ La Mode : revue des modes, galerie de mœurs, album des salons, Paris 02/07/1831, livre numérisé
(http://gallica.bnf.fr)
▪ « Mode. [XIXe siècle]. 1830 », Collection iconographique Maciet, Bibliothèque des Arts Décoratifs, livre
numérisé (http://artsdecoratifs.e-sezhame.fr)

Cet article a 2 commentaires

  1. amonalisa

    Article très intéressant sur la mode du 19ème siècle ; apprendre l’histoire tout en détaillant un tableau c’est original et enrichissant

    1. Exogenesys

      Merci beaucoup pour votre commentaire ! Je suis ravie que mon article vous ait plu. Il est vrai que l’on peut faire de merveilleuses découvertes en décortiquant un tableau. A bientôt j’espère !

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